Ce que vous avez entendu est vrai: le Canada prend en effet plus de temps que les États-Unis et l’Union européenne pour approuver des nouveaux médicaments. Selon une étude publiée par le Canadian Medical Association Journal (CMAJ), les retards dans la soumission des nouveaux médicaments à Santé Canada pour évaluation ont eu un impact considérable à cet égard, certains produits étant retardés jusqu’à deux ans.
Bien sûr, il est essentiel de faire preuve de prudence lorsque les effets secondaires des nouveaux médicaments sont inconnus. Cependant, pour les personnes atteintes d’une maladie chronique, cela signifie un retard prolongé dans l’accès à ce qui pourrait être un médicament salvateur.
Où ça commence
Avant que la vente des médicaments sur ordonnance ne soit autorisée au Canada, les scientifiques de Santé Canada en évaluent la sécurité, l’efficacité et la qualité. Tout d’abord, les nouveaux médicaments doivent subir une série de tests précliniques. Si les résultats de ces tests s’avèrent souhaitables et non toxiques, le promoteur (personne ou entreprise responsable de la demande) peut demander à la Direction générale des produits de santé et des aliments (DGPSA) de Santé Canada de procéder à un essai clinique.
Si les résultats de l’essai montrent que la valeur thérapeutique potentielle est supérieure aux risques associés à l’utilisation du médicament, le demandeur (généralement une société pharmaceutique) peut alors demander une «présentation de drogue nouvelle» à la DGPSA, où une autre série de tests est effectuée. Bien que la DGPSA ait mis en place un processus d’examen prioritaire pour les produits pharmaceutiques utilisés pour des «affections potentiellement mortelles» ou «gravement débilitantes», l’accès peut être encore retardé au niveau provincial.
Les patients souffrant d’insuffisance cardiaque chronique au Canada ont maintenant accès au médicament Entresto, mais il existe encore des restrictions pour les populations autochtones. Parallèlement, le médicament Ivabradine, qui peut être utilisé pour le traitement de l’insuffisance cardiaque stable, n’a été approuvé par Santé Canada qu’en 2017. Voici la réalité: il avait été autorisé par l’Agence européenne des médicaments cinq ans auparavant, en 2012.
Frais à la charge des patients
Les Canadiens bénéficiant d’une assurance maladie publique ont accès aux soins médicaux et hospitaliers, mais pas à une couverture complète des médicaments sur ordonnance. Selon l’Alliance canadienne pour des soins de santé durables, cela est dû au fait que l’accès est un mélange de régimes publics de médicaments sur ordonnance et de régimes d’assurance privés.
Le résultat tragique est qu’un Canadien sur dix ne peut pas payer pour les médicaments d’ordonnance dont il a besoin. Au moins un million d’entre eux doivent se priver de nourriture ou de chauffage et renoncer à d’autres dépenses domestiques pour pouvoir acheter les médicaments.
Les résultats d’une enquête sur les conséquences des frais à la charge des patients pour les médicaments d’ordonnance au Canada, publiés par CMAJ Open, ont révélé que les dépenses supplémentaires pour les médicaments d’ordonnance amènent les personnes à utiliser plus de services de soins de santé qu’elles ne l’auraient fait autrement, «à sauter des doses ou à réduire les doses, à retarder le renouvellement des ordonnances ou à ne pas les renouveler du tout». C’est ce qu’on appelle la «non-observance liée aux coûts».
En outre, les résultats montrent que ce phénomène est plus fréquent chez les jeunes adultes canadiens (notamment les femmes), les groupes à faible revenu, les peuples autochtones et les personnes dont l’état de santé est moins bon. L’étude indique que le taux plus élevé de «non-observance liée aux coûts chez les peuples autochtones résulte probablement d’obstacles structurels dans le système de soins de santé».
Oui, la Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits de Santé Canada fournit «une couverture universelle des médicaments d’ordonnance aux patients admissibles par le biais du Programme des services de santé non assurés». Le problème? Plus de la moitié des autochtones du Canada ne sont pas admissibles à cette couverture.
Dépenses publiques pour les médicaments
Le gouvernement a annoncé la création d’un «Conseil consultatif sur la mise en œuvre d’une assurance-médicaments nationale» dans le budget fédéral 2018. Le Conseil étudiera et analysera les programmes nationaux et internationaux de couverture complète des médicaments sur ordonnance avant de recommander des options à mettre en œuvre au Canada. Mais combien de temps les personnes souffrant de maladies chroniques devront-elles attendre?
Selon un rapport sur les dépenses publiques provinciales en médicaments de l’Institut canadien d’information sur la santé (ICIS), entre décembre 2014 et novembre 2016, la Colombie-Britannique n’a lancé que 31 (15 %) des 209 produits à source unique possibles. Au cours de la même période, l’Alberta a lancé 55 produits, l’Ontario 52, le Manitoba 64, le Québec 40, la Nouvelle-Écosse 63 et le Nouveau-Brunswick 80.
Dans l’ensemble, les dépenses en médicaments ne représentent que 7,4 pour cent des dépenses totales des gouvernements provinciaux et territoriaux à l’échelle nationale, comme l’indique une analyse des payeurs de produits pharmaceutiques effectuée par l’ICIS.
Les dépenses provinciales vont d’un maximum de 9,1 pour cent en Ontario à un minimum de seulement 4,9 pour cent en Colombie-Britannique. Le gouvernement de la Colombie-Britannique a dépensé 942,6 millions de dollars en médicaments en 2010-2011, mais depuis, une budgétisation stricte a réduit cette somme – elle était de 927,4 millions de dollars en 2015-2016. Dans un communiqué de presse publié par la Coalition pour un meilleur régime d’assurance-médicaments (Better Pharmacare Coalition) en février 2018, il est indiqué que les dépenses de la Colombie-Britannique en médicaments d’ordonnance sont les plus faibles au Canada par habitant (34 pour cent de moins que la moyenne nationale).
Cela se traduit par le fait qu’environ 40 médicaments ne figurent pas sur le formulaire public de la Colombie-Britannique et sont couverts dans au moins une autre province canadienne.
Un besoin accru de défense des patients
On estime que 14,5 milliards de dollars (42,7 pour cent) des dépenses en médicaments prescrits ont été financés par le secteur public en 2017. En comparaison, 12,1 milliards de dollars (35,5 pour cent) ont été financés par les assureurs privés, et les 7,4 milliards de dollars restants (21,8 pour cent) ont été financés par les ménages canadiens, selon le rapport 2017 de l’ICIS sur les dépenses en médicaments sur ordonnance.
En janvier 2018, l’Ontario est devenu la première province à couvrir le coût des médicaments d’ordonnance pour les jeunes de moins de 25 ans. Bien qu’il s’agisse d’un excellent début, cette mesure pourrait ne pas profiter à de nombreux patients souffrant d’insuffisance cardiaque. Santé Canada a confirmé qu’environ 2,4 millions de personnes vivant avec une maladie cardiaque dans le pays sont âgées de 20 ans ou plus.
La disparité entre les dépenses publiques provinciales en médicaments et le coût élevé des médicaments sur ordonnance une fois leur distribution approuvée sur le marché signifie que le besoin de défense des patients est plus grand que jamais.
Chez HeartLife, nous plaidons en faveur de l’amélioration des soins et collaborons avec des organismes pour aider les patients à avoir accès aux dernières thérapies et à des médicaments souvent vitaux. La route est longue et nous nous engageons à soutenir les patients souffrant d’insuffisance cardiaque à travers le pays, à chaque étape du processus.